Mit mein farhad
Mon passage en Allemagne me fait rouler pendant 666km, avec 15 kilomètres en trop du côté d’Hambourg parce que j’avais oublié un changement dans la trace. Globalement, j’ai bien aimé ce pays, les infrastructures cyclables sont sympathiques, même s’il y a pas mal de racines d’arbres sur certaines pistes le long des nationales. C’est le 7e pays que je traverse en 10 jours ! C’est complétement délirant de se dire que j’ai tout fait sur mon vélo. Et je ne suis pas encore à mi-chemin ! Le problème des jours qui avancent trop vite et des kilomètres qui ne défilent pas assez, c’est que je commence à beaucoup trop réfléchir au long terme. Il me manque 10-15km par rapport au planning quasi tous les jours. Et ce n’est pas ma journée à 223km qui m’a permis de combler le retard accumulé. Du coup, je me dis que je ne vais jamais arriver à attraper ce ferry pour aller à Oslo en étant dans les temps pour finir avant la date buttoir. De plus, le ferry n’a plus une seule cabine de libre, donc je sais que je vais devoir passer 12h sur un siège en plastique. Pas très motivant…
Pit stop !
J’avais pu faire vérifier le vélo à Paris, mais près de Rendsburg, j’ai dois encore aller dans un magasin de vélo car mon frein arrière claque subitement. Le gars m’annonce que c’est tout simplement parce que je n’ai plus rien sur mes plaquettes de frein. Ah. Elles étaient pourtant neuves avant le départ… Je suis la troisième participante à la North Cape à passer dans ce magasin. L’équipe est sympa et s’occupe vite de moi. Plus tard, je dois passer dans un autre magasin pour racheter des chambres à air. En soit, rien de bien dramatique vu le parcours, mais à chaque fois, c’est 1h de perdue.
Il pleut, encore
Depuis Paris, j’ai le vent dans le dos, mais le ciel ne fait que se couvrir de jour en jour. Bien que j’ai des périodes ensoleillées où je peux laisser tomber la veste, tous les jours plusieurs averses me mouillent suffisamment que pour que cela soit frustrant. J’ai un peu le temps de sécher avant la suivante, mais le soir c’est compliqué. J’ai ma tente avec moi, mais je décide de trouver des hébergements en dur afin d’avoir accès à des chauffages et de faire sécher mes affaires, notamment les chaussures. Je suis bien contente d’avoir mes chaussettes waterproof qui me permettent de garder un certain confort, mais ce n’est clairement pas la joie du côté de mes pieds. Un autre vêtement qui commence à ne plus supporter la pluie, c’est mon cuissard. Il sèche pendant la nuit, mais jamais complètement. Quand je l’enfile au matin, il est encore humide. En plus des hôtels, j’arrive à trouver des petites cabanes dans des campings et c’est franchement pas mal. Mais le problème, c’est que partout, personne ne met le chauffage. Évidemment, nous sommes au milieu de l’été ! Et il y a quand même 15 ou 18 degrés, donc il ne fait pas froid, c’est juste que moi je suis humide et qui voudrait faire sécher mes affaires. Point positif quand même, je dors dans un vrai lit et je sens que je suis mieux reposée que quand je dors sous la tente. Mais malgré cela, le moral commence à être franchement entamé.
C’est la fin
L’entrée au Danemark se fait sous le déluge. Je n’ai plus mal au genou depuis déjà deux-trois jours, mais je suis en permanence emballée dans ma veste et mon pantalon kway. Je passe cette nouvelle frontière avec quelques larmes aux yeux en me disant que la moitié du parcours est presque là ! Mais je déchante vite : 5 kilomètres à peine sur les routes danoises m’amènent une crevaison. Et laissez-moi vous dire que même si je sais réparer facilement une crevaison, le faire sous une pluie battante le long d’une nationale avec une piste qui est pas dingue c’est quand même pas fou ! C’est évidemment à ce moment-là que je découvre aussi ce qu’est un obus de valve… Il existe des chambres à avec un obus sur la valve. C’est une partie en plus qui peut se dévisser et être remplacée. Sauf que… ma petite pompe nécessite d’être vissée sur cet obus afin de pouvoir gonfler la chambre à air. Donc, dès que je la dévisse, la chambre à air se vide… Au loin, je vois un abribus donc je vais vers lui et j’essaie de m’abriter un peu. J’arrive à gonfler la chambre à air, mais que de la moitié du volume que je souhaite. C’est aussi à ce moment-là que je réalise que le camping du soir n’est pas à 10km après la frontière, mais 22 ! Je hurle ! Je finis la journée sous une drache d’enfer, avec un pneu sous gonflé et une humeur massacrante. Le camping est bike friendly donc je trouve du bon matériel pour gonfler ma chambre à air comme il faut. Je suis opérationnelle pour les 180km de ligne droite du lendemain. C’est la dernière étape avant le ferry pour Oslo ! Cette nuit-là, comme les deux précédentes, je me réveille au milieu de la nuit en ayant faim. Pourtant, je ne fais que manger pendant la journée !
J’attendais beaucoup de ce passage au Danemark, car c’est un des pays réputés pour être fait pour les cyclistes. Malheureusement, la trace faite par les organisateurs n’est vraiment pas optimale. ai-je roule sur de très belles pistes cyclables séparées du trafic, mais il y a aussi de simples bandes de peinture au sol qui font tout juste la largeur du vélo.
Après une nuit potable, je me mets en route pour cette journée en quasi ligne droite. Je perds encore une heure à devoir attendre qu’un magasin ouvre pour refaire mon stock de chambre à air. J’avance tant bien que mal. Moi qui aime bien avoir déjà fait 100km sur le coup de midi, j’en suis très loin ! De plus, je découvre que mon itinéraire suit celui d’un bus qui ne va pas loin de ma destination du jour. Il me dépasse une fois par heure. Ah, si seulement je pouvais monter dedans ! Mais alors je serai disqualifiée. J’arrive à Velje avec le moral dans les chaussettes et pas beaucoup de km au compteur. Après un break dans une toilette publique, je redémarre. Mais ça ne va pas. 8km après la ville, je m’arrête à un carrefour, je m’assois dans l’herbe et je pleure. Je ne vais pas bien. J’ai envie d’arrêter mais je n’ai pas envie d’arrêter. J’ai envie de continuer à pousser parce que j’ai envie de vivre cette aventure mais le moral n’est plus là. Toute cette pluie m’use complètement. Je regarde la carte et je me dis qu’il y a encore tellement à faire ! C’est impossible ! Comment font les autres !? Mais si je m’arrête, est-ce que je ne vais pas décevoir des gens ? Je sais que je ne dois pas m’occuper des réseaux sociaux, surtout quand je ne connais pas réellement les ¾ des gens qui me suivent. Je me dis que si j’ai un accident, personne ne pourra me reprocher d’arrêter. Au moment où cette idée me traverse l’esprit, je me dis que ça ne va plus du tout et que ça devient dangereux. Quand j’ai commencé l’ultracyclisme, je m’étais juré que je devais toujours m’amuser. La notion de fun n’existe plus. Mais que faire ? Continuer ? M’arrêter ? Si je pouvais faire un break d’un jour, je pense que je pourrais continuer. Mais cela veut dire finir hors délai. J’ai vraiment envie d’avoir ce titre de finisher.
Alors qu’il recommence à pleuvoir, je commence à appeler tous mes jokers. Le tout en pleurant à chaudes larmes et en faisant un peu peur aux gens qui décrochent le téléphone tous guillerets de m’entendre. J’appelle Géraldine, mon copain, ma tante, mon frère, ma sœur, Delphine et Katia. Quasi tous décrochent. Je les écoute tour à tour. Chacun a son point de vue sur la question. Une fois on parle plus de performance, une fois on parle d’écoute de soi. Mais, tous me disent que c’est déjà très bien ce que j’ai fait ! Personne n’est déçu. Je n’entends que des gens fier de ce que j’ai accompli. Cela fait du bien. Tous me disent qu’il n’y a pas de honte à s’arrêter. Ma tante suggère que je fasse demi-tour et que je retourne à Velje prendre une chambre pour me reposer. Je fais ça. Je sais que je ne dois pas prendre de décision importante avant de m’être reposée. Je m’arrête à 15h après n’avoir fait que 103km. Delphine me rappelle alors que je viens de passer sous une douche bien chaude et réconfortante. Cela me permet de discuter en étant déjà un peu moins dans les émotions. Je me dis que je suis quand même bien bête de m’être dit que j’allais décevoir des gens. Je fais une première sieste avant mon repas du soir et puis je dors 9h d’une traite. Le lendemain, je me réveille fatiguée. C’est là que je me dit qu’il est temps d’arrêter. Le soleil qui pointe le bout de son nez me fait un peu hésiter, mais je regarde la météo et je vois que cela ne va pas durer. La pluie va recommencer. Cela ne sert à rien de continuer. Je n’ai plus envie. Je préviens l’organisateur et j’annule toutes mes réservations pour le retour.
Rentrer en Belgique
Pendant que je déjeune, je commence à réfléchir au trajet du retour. Hors de question de faire encore des 150/200km par jour ! Mais, j’ai quand même envie d’explorer le Danemark. Pour le moment, je suis déçue. La trace me fait passer par beaucoup de nationales dont certaines pistes cyclables feraient rougir la Wallonie… Je décide alors de laisser Komoot me guider pour une traversée d’est en ouest. Et c’est le jackpot ! J’enchaîne les petites routes de campagnes où je vais parfois croiser plus de piétons et de cyclistes que de voitures ! J’ai déjà envie de revenir au Danemark du coup ! Le premier jour, je fais 100km, mais ils sont durs à boucler ! C’est de trop. J’ai encore un peu d’énergie dans les jambes mais j’ai aussi envie de dormir la moitié du temps. Je pense que j’ai atteint mes limites. C’est là que je réalise que c’est mon 14e jour sur le vélo. Je n’avais jamais fait de vacances ou de course d’ultra cyclisme de plus de 10 jours et 10h… c’est normal que cela ne va plus ! Rentrer à vélo jusqu’en Belgique me paraît alors insurmontable ! Mon frère m’avait proposé de venir me chercher, mais je lui avais dit que le Danemark c’était un peu loin quand même. Je fais encore une 50aine de km pour retourner en Allemagne et puis faire une journée avec 3 trains pour rejoindre la frontière hollandaise et mon frère. Il ne reste alors plus que 4h de voiture pour rejoindre Bruxelles. Nous nous retrouvons à 18h et profitons d’un repas ensemble avant de faire la route. La joie que je ressens quand je vois mon frère est assez intense. Il était là au départ à Bruxelles et il m’y ramène. J’ai quand même une pointe d’émotion et le superbe soleil couchant en rajoute en un peu plus.
Merci pour le partage des émotions 🙏