Dans cet article, je vous parlais de la préparation à ce GravelMan Flandres 2021. Rentrons maintenant dans le vif du sujet, l’événement en lui-même.
En route pour le check-in !
Je pars au GravelMan accompagnée de Cubi et de Jack. Nous avions prévu de nous retrouver à la gare du midi, direction Mouscron, puis de finir le chemin à vélo. Quand le train arrive, nous découvrons que nous avons droit à un accompagnateur de train qui n’a pas envie d’ouvrir le compartiment vélo… Cubi et moi montons juste à côté pendant que Jack prend la première porte qu’il voit. Il nous écrit un sms pour prévenir qu’il a trouvé le compartiment vélos/PMR un peu plus loin. Je vais voir et effectivement, il y a de la place dans un compartiment avec des sièges rétractables. C’est probablement pour ça que l’accompagnateur n’est pas venu nous ouvrir, mais il aurait pu nous le signaler. Pendant que je parle avec Jack, les passagers présents nous regardent. Je les préviens alors que deux autres vélos vont arriver au prochain arrêt. J’ai droit aux premiers regards noirs. Quoi ?! Si j’étais un PMR, vous me regarderiez pareil ? Je paie quatre euros pour mettre mon biclou dans le train, il va prendre la place à laquelle il a droit ! Une fois à Halle, Cubi et moi amenons nos vélos près de celui de Jack.. Les regards noirs persistent pendant qu’on s’installe. Les vélos sont accrochés et nous restons debout dans le couloir. Ensuite, les deux dames qui nous avaient le plus fusillés du regard descendent juste après … ça valait bien la peine de râler comme ça ! Nous récupérons les places qu’elles laissent. Un peu plus tard, l’accompagnateur nous fait un show quand il pense avoir attrapé deux fraudeuses dans le wagon : il est persuadé qu’elles ont ré-écrit sur leurs Hello Belgium (les rail pass (tickets de train) gratuits qu’on a reçus), mais au lieu de le dire directement, il les interpelle avec des « allé quoi ! », « tu ne vois pas ce qui est écrit sous Mouscron ? » et autres phrases irrespectueuses et désagréables. Après quinze bonnes minutes de ce cinéma, il leur fait payer deux trajets au prix plein avec le supplément. Pourquoi ne pas le faire directement ? Même le gars qui somnolait dans le wagon ouvre les yeux et le regarde d’un air effaré, puis nous dit que l’accompagnateur fait du cinéma pour rien. Je rédige ensuite un petit message privé à la SNCB pour signifier que je n’approuve pas l’attitude de cet accompagnateur et je recommande aux deux filles de porter plainte (surtout qu’elles sont certaines d’être en droit). Le reste du voyage se passe sans soucis.
En descendant du train, nous remettons tous une couche de vêtements. Nous avions quitté Bruxelles sous le soleil avec 18°, Mouscron nous accueille sous un ciel gris et quelques degrés en moins. Nous avons une petite demi-heure de vélo à faire pour rejoindre La Maison Bleue de Roubaix, l’hôtel qui sert de check-in. Le trajet est quasiment un faux plat descendant tout du long et il n’y a pas tant de trafic que ça. J’avais prévenu les potos lillois de notre venue et En Roue Libre nous attend à l’hôtel. Nous y entrons tous et préparons nos documents. À cause de je ne sais quel souci technique, je ne figure pas dans la liste des trackeurs GPS. Je reçois alors le numéro 58 qui est au nom de quelqu’un d’autre et on me certifie que pour vendredi matin 10h, il y aura mon nom dessus. Ha bein c’est mieux si je veux dire aux gens qui ils doivent suivre hein. Et c’est tout. Pas de contrôle du certificat médical, des papiers de l’assurance, du kit de réparation, de la couverture de survie,… Ha. Je me doutais qu’il s’agissait d’une demande faite par l’organisation juste pour se couvrir, mais ça frustre un peu.
Il y a d’autres participants et on les entend discuter de l’heure de départ. Certains posent encore des questions. Comme l’heure tourne (foutu couvre-feu à 18h!), nous décidons de passer au vélodrome avant d’aller chez Abrys. Au moment de notre départ, Steven, l’organisateur, nous demande à quelle heure on compte partir.
Cubi : « Vers 7h, ça nous paraît pas mal »
Moi : « À un quart d’heure près hein, ça dépend si on tombe du lit ou pas. »
Steven : « Ha vous les Belges, vous êtes bien décontractés ! »
Bah quoi ? On ne va pas se mettre la pression avant même de partir. En Roue Libre nous guide vers le vélodrome. Amis cyclistes, si vous pensez que Bruxelles c’est parfois chaud patate, je ne vous recommande pas Roubaix. Abrys nous avait prévenu de « ne pas faire de grands gestes » et on comprend vite pourquoi : tout le monde est nerveux ici. Les gens klaxonnent vite et pour rien. Soudainement, un gars qui tourne face à nous (il a donc, logiquement, vu les quatre cyclistes de notre groupe) ne nous remarque pas et pile directement après avoir tourné. Mon « Hooooo ! » est sorti tout seul. Il nous regarde en rigolant quand on passe à côté de lui. On a juste failli s’emplafonner dans ton Kangoo, grand, mais OKLM quoi ! Il y a des pistes cyclables, mais soit elles sont vaguement tracées sur le sol, trop près des voitures, soit il s’agit d’un trottoir partagé. Pas terrible. Promis, Bruxelles c’est mieux !
Ouf, on arrive entiers au vélodrome ! On se lance dessus et je me dis « nooope » dans le premier tournant : c’est pentu ce truc ! Je fais un tour à plat, car je n’ai pas envie de me vautrer. Les autres s’éclatent ^^. Jack fait déjà son repérage pour savoir où dormir quand il reviendra. Il est un peu ouf, car il a envie de tout faire d’une traite et de dormir au vélodrome en arrivant ! On en parle tout en allant chez Abrys. Celui-ci nous montre sa super remorque, la Carla Cargo, qu’il utilise pour son service de livraison à vélo cargo sur Roubaix. La remorque me fait penser à la Runner qu’on a au taf, sauf que son attache est mille fois mieux : elle se fixe sur le tube de selle, donc ça ne doit pas pousser de la même façon sur le vélo que quand elle est installée sur l’axe de la roue arrière.
La soirée et le repas (une merveilleuse tartiflette!) se passent à merveille entre anecdotes cyclistes, anecdotes Twitter, partage d’expérience et jeux de société. Nous partons nous coucher vers 23h et programmons le réveil pour 6h le vendredi matin.
Le Jour J !
Je pensais être plus nerveuse que cela et passer une mauvaise nuit, mais non. Je dors six heures d’affilé sans soucis. Ok, il me manque deux heures pour avoir le bon compte, mais je ferai avec. Deux cafés plus tard, nous voilà de retour au vélodrome pour notre premier selfie obligatoire. Nous devons en faire un à chaque checkpoint et le poster dans le groupe What’s App et/ou sur les réseaux sociaux. Nous avons une balise, mais ça nous force à nous arrêter un peu à chaque fois tout en permettant de voir l’avancement des participants sans devoir se connecter au suivi des balises (plus lent à charger que What’s App). Et ça permet de se sentir moins seul(e) aussi.
Alors que nous allons démarrer, un gars arrive et demande où on peut avoir sa balise. Pas ici, fieu ! Il décide de nous suivre car la trace repasse devant l’hôtel. Il pose une question à Cubi, mais je n’entends pas laquelle. Cubi lui répond : « Ah je ne sais pas, c’est la deuxième fois que j’utilise mon GPS ». Ce à quoi le gars répond : « Je ne l’ai jamais employé ». Sorry, mais j’ai ri dans ma tête. On teste un peu son matériel avant de partir sur 345km, non ? Je rigole moins quand, 3km plus tard, il vient se mettre à ma hauteur et me lâche un « C’est ton vélotaf ? » moqueur en regardant le vélo. Et allez ! Je m’attendais à avoir des réflexions, mais pas aussi vite. Je l’insulte un peu dans ma tête, puis je lui réponds poliment. Il lâche l’affaire après deux minutes et on le perd en passant devant la Maison Bleue.
Premier objectif du jour : la boulangerie pour déjeuner à Warneton. 28km à faire. Je profite d’avoir encore Cubi et Jack sous la main pour faire des séquences vidéos, car après, je n’aurai plus que les paysages à me mettre sous la dent. Un gros banc de brume nous suit de Wambrechies quasiment jusqu’à Warneton, m’obligeant à essuyer mes lunettes toutes les dix secondes. Ce n’est guère pratique. Le soleil va mettre du temps à le chasser, mais ça crée un paysage de folie avec des couleurs de malade ! Les routes sont correctes et le dénivelé tranquilou. On s’enfile ces premiers kilomètres à du 21km/h de moyenne. Une fois à la boulangerie, je sens bien que les mecs ont envie de rouler plus vite. Je leur dit donc de me lâcher et de ne pas s’inquiéter pour moi.
À Messen, je me prends un fou rire. Il y a des travaux sur la rue et du béton frais sur la moitié de la route. Je passe à côté sans soucis, mais j’entends un « Godverdomme ! » au moment où je passe. Heuuu, je n’ai rien fait ! Je vois un ouvrier s’approcher avec un air fâché et je me retourne. Un animal était passé dans son béton frais et avait laissé des traces. Je souris en m’éloignant, puis je rigole franchement quand je vois que l’ouvrier ne m’entendrait pas.
Je vais progressivement me faire dépasser par les autres participants. Certains me disent bonjour en voyant la balise sur le vélo, d’autres ne vont même pas me percuter. Il y a un groupe de 4-5 qui me dépasse et le dernier commence à me parler. Il me demande si je suis seule. Je lui réponds que oui car je roule à mon aise, à mon rythme. Un de ses potes lui lance un regard en mode : « Pourquoi tu lui parles ? » et dit, quand il aperçoit la balise sur mon vélo : « Attend ?! Elle fait aussi la course ? » Et ouais, mon gars ! Mais il n’était pas moqueur, donc ça ne m’a pas ennuyé comme le premier. Il était même limite admiratif en regardant le vélo après. Je les perds après 5-6 minutes, car ils sont sur la trace gravel et moi sur la trace road. Je les retrouve plus tard en haut du mont Kemmel. Ils viennent de faire leurs selfies quand j’arrive et je les vois un peu étonnés de me voir.
Lui : « T’es partie à quelle heure ? »
Moi : « 7h15. »
Il check sa montre (il est 9h45) : « Ha bah t’as bien roulé ! » (On est au Km 42).
Moi : « Merci. »
C’est parti pour le Mont Kemmel ! En haut 🙂
Et hop, ils repartent plein pot. Qui dit montée, dit descente. Et je peux vous dire que ça descend bien ! C’est même assez fun ! Prochain checkpoint : Le mont des Cats. Mais avant ça, il faut se farcir le mont Noir. Mais ça va. Ce sont des montées comme je les aime : pas trop pentues et assez longues. Même le mont Kemmel avec ses pavés est jouable. Je me hisse jusqu’à l’abbaye en haut du mont des Cats. L’organisateur nous avait dit de bien aller jusqu’au bout de la trace avant de faire le demi-tour. Je m’applique consciencieusement à faire ça quand je vois quelques participants à gauche et à droite de la route. D’un coup, j’entends « Hé ! La Nomade sédentaire ! ». « Nan ! C’est Bullitt en ville ! », que je gueule en continuant. Et dans ma tête, je me dis que la Nomade va encore nous affimer qu’elle n’est pas une influenceuse, hein, et je me marre. Je vais au bout du chemin, je fais mon selfie et je retourne vers le cycliste.
Moi : « On se connaît en fait ? »
Lui : « On a partagé une bière à Ath. »
Aaaaaah ! Un nordiste présent au Meet Me Halfway !!!!! Il me faut deux minutes pour le reconnaître puis je tilte que c’est lui qui était en vélo pliant ! Il m’avoue avoir lâché le pseudo de la Nomade, car c’est le premier qui lui est venu en tête, mais maintenant que je suis en face de lui, il me reconnaît. On papote quelques minutes avant que son groupe se remette en route, pendant que je mange et que je bois. Je les revois plus tard à Ypres, un burger à la main.
Je me laisse descendre en bas du mont des Cats. Je me dis que ça va vite. Je vérifie le compteur : 52km/h ! Ha ha ha ha j’étais montée à du 10 ! Après ça, j’enchaîne quelques bosses et j’ai de très belles vues en haut. Les photos ne rendent pas aussi bien que la réalité. Les routes ne sont pas très larges, mais je ne me fait pas trop frôler trop vite. À un moment, on repasse en Belgique et je m’attends à la bonne qualité du réseau cyclable flamand. Heu bah en fait non. Leur réseau secondaire comporte un peu moins de trous que le wallon, mais il y en a, et il n’y a pas toujours des PC de qualité sur les nationales. Je suis soulagée de retourner au milieu des champs. Je ne sais pas ce qu’ils cultivent ici, mais ça je n’ai jamais vu et il y aussi pas mal de serres.
D’un coup, je vois une toilette portative. Il n’y a pas de chantier autour et elle est à côté d’un petit étang. C’est un peu étrange. Mais elle est ouverte et propre donc j’en profite ! Après 75km, j’arrive à Ypres. Je traverse la ville et je prends le premier banc au soleil que je vois pour manger mon sandwich. J’ouvre Twitter et je vois que je suis suivie par les copains. Ça fait plaisir 🙂 Les oies qui sortent du canal m’inquiètent deux minutes, mais je ne les intéresse pas. Je peux finir de manger tranquillement.
Quelques kilomètres plus loin, j’aperçois des lamas ! Oui oui, des lamas tranquillement en train de paître dans un petit pré. Encore plus loin, je me prends un fou rire, car je reconnais le paysage pour l’avoir vu depuis l’autoroute plein de fois. C’est peut-être bête, mais on s’amuse comme on peut, hein !
Je rigole moins après le passage du pont au-dessus de l’autoroute, quand ma chaîne saute alors que je pousse un peu plus fort et que je me mets en danseuse. Je réussis à me rattraper sans tomber, mais je me dis que mon vélo a vraiment besoin d’une nouvelle cassette et d’une nouvelle chaîne. A priori, je pouvais encore faire durer tout ça quelques kilomètres, mais on dirait que non. J’avais eu droit au premier saut pendant la montée du mont Kemmel et j’avais fait « glups ». Le reste des ascensions va être moins fun car la chaine va sauter en 1-1 et 1-2 en permanence.
La nuit est là
Le soleil qui se couche me donne de nouveau droit à un magnifique spectacle. Mais cela veut aussi dire qu’il va commencer à faire plus froid. Je vais donc pouvoir m’arrêter encore moins souvent et pas très longtemps si je ne veux pas trop me refroidir. J’arrive à Oudenaarde vers 18h30. Déjà 164km dans les jambes, quasi la moitié du chemin parcouru ! Je commence à calculer dans ma tête une estimation de mon heure d’arrivée à Grammont et je comprends que je risque de louper le snack que j’ai repéré. Tant pis, je mange ici. Je n’ai pas faim mais je commande 6 pains à l’ail au Pizza Hut présent sur la place. Je n’arrive à en manger que cinq. Et ceux qui me connaissent savent que ça n’arrive JAMAIS : je ne laisse normalement pas de pain à l’ail ! J’en profite pour checker le net et donner des nouvelles à gauche et à droite. Je vois d’un coup deux gars sortir d’une porte à droite. Vu leurs vélos et leur équipement, ils font le GravelMan. La balise sur le vélo me le confirme. Du coup, je les regarde mais sans plus. Ils sont presque en face de moi. L’un d’entre eux me retourne mon regard.
Moi : « Vous allez continuer jusqu’à Grammont d’une traite ? »
Lui : « Tu fais aussi GravelMan ? »
Moi : « Je sais que j’en ai pas l’air, mais oui. »
Lui : « Ha mais non, je ne juge pas 😉 Oui on va à Grammont, on a un hôtel. Mais la réception ferme à 22h. Tu dors où toi ? »
Moi : « Dehors, je trouverai quelque chose. »
Lui : « … »
On papote encore quelques minutes et puis ils partent. Ils étaient bien nerveux à l’idée de ne pas arriver à l’heure, car il semblerait que l’hôtelier leur avait précisé qu’il ne rallongerait pas l’heure de fermeture de la réception. C’est une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas me « lier » à une chambre d’hôtel. Je préfère la liberté du bivouac, même si ce n’est pas aussi confortable.
Les trois « bergs » après Oudenaarde me cassent bien les jambes. Je commence à les monter sur le vélo, mais quand je vois que je ne vais pas plus vite que si je le poussais, je fais ça. Je continue les calculs dans ma tête et je me dis qu’arriver près de Grammont aussi proche du couvre-feu, c’est moyen. A priori, je ne risque pas grand-chose, car je suis à vélo, mais je n’ai pas envie de pratiquer mon néerlandais avec la police locale. Et puis, je me dis que les 235km que je visais, ça fait loin ! J’ai vu trop grand. Avec le dénivelé, je ne saurai pas le faire. Bon, mais il faudrait que je fasse au moins la moitié des kilomètres totaux (172,5) comme ça demain je sais que j’ai déjà fait ça. Mais en même temps, je me dis que le prochain checkpoint n’est qu’à 30km. Bon, je me décide à aller jusque-là et puis je verrai. De mémoire, la fin de la Paddestraat est près des champs, je trouverai donc peut-être un spot pour dormir par là. Par contre, le selfie à 21h10, ça le fait pas, donc je prends en photo les faux maillots suspendus en bas de la rue. Je continue ma route et je finis par trouver un arrêt de bus devant un cimetière. Il m’a l’air pas mal, même s’il est éclairé, et les vitres peuvent me protéger du vent.
Il y a une voiture garée sur le parking, donc je suppose que le chauffeur me voit m’installer. Ça m’ennuie un peu, car je voulais être discrète, mais tant pis. En plus du matériel de couchage, j’enfile mes legs warmers, une seconde paire de gants et je mets le dernier haut chaud que j’ai en stock. Le tour de cou, le sous bonnet et la capuche de la veste viennent compléter mon « pyjama ». La voiture finit par s’en aller, mais une seconde vient prendre racine dix bonnes minutes, peu de temps après. J’ai fait 195km, mais je ne suis pas plus fatiguée que ça. Bon, ça va être pratique pour dormir ! Je ferme les yeux et je me concentre sur ma respiration. Je commence à somnoler quand j’entends une autre voiture arriver et se garer pas loin. Puis j’entends des pas.
Homme : « Excuseert ? »
J’ouvre la tente et je vois un gars qui me regarde un peu inquiet. Génial…Je me prépare à pratiquer mon meilleur néerlandais.Moi : « Oui ? »
Lui (trad.) : « Mon fils m’a prévenu qu’il y avait quelqu’un ici. Vous allez rester ici toute la nuit ? »
Moi : « Oui, mais je pars à 3h. C’est ok ? »
Lui (trad.) : « Pas de souci, mais il va faire froid. »
Moi : « Oui je sais, mais je suis dans une course cycliste » (je lui montre le vélo et la balise qui clignote dans le noir)
Lui (trad.) : « Waw, c’est ??? »
Moi : « Désolé, je n’ai pas compris ce que vous avez dit. »
Il passe en français : « C’est courageux ! »
Moi, dans ma tête : « Ou très stupide, je te réponds demain matin ! », puis, à vive voix : « Merci. »
Lui : « Bon bah, bonne nuit alors. »
Moi : « Merci. »
Je ne sais pas si j’ai été repérée par les caméras de surveillance du cimetière ou si c’est quelqu’un d’une des deux voitures qui m’a « vendu », mais j’avoue que j’ai préféré croiser un gars comme ça que des flics. Je vérifie l’heure : 23h. Ah bah, mine de rien, j’ai déjà somnolé une petite heure, pas mal ! Bon par contre, le fait d’avoir ouvert un peu la tente, ça a fait rentrer du froid. Je frissonne pendant dix minutes avant que ça aille mieux. À un moment, je m’endors et je ne le réalise qu’en me réveillant pour un besoin urgent. Je suis obligée de sortir de la tente complètement, du coup, il me faut de nouveau dix bonne minutes pour me réchauffer après. Je ne sais plus quelle heure il est, mais je me souviens m’être dit qu’il était trop tôt donc je ferme les yeux! Visiblement ça fonctionne et je m’endors, car je fais un énorme bon quand le réveil sonne.
En route pour Grammont
3h30 ! Il est temps de tout remballer et de partir. Je mets les premiers coups de pédale à 3h50. Premier objectif : passer le mur de Gramont et rejoindre Cubi qui est déjà sur place et a dormi en ville. Il y a de la brume qui traîne dans mon phare avant, mais je rejoins vite une plus grosse route un peu éclairée. Je sors quand même la frontale en plus.
Je n’ai pas très chaud, mais je ne suis pas gelée non plus. De toute façon, je vais très vite avoir une belle montée qui va faire monter ma température corporelle et régler le détail du froid. Par contre, les jambes sont froides aussi et je finirais les trois « bergs » en poussant le vélo. Le sol est décoré en prévision de Het Omloop Het Nieuwseblad qui a lieu aujourd’hui. C’est une course pro qui finit à Grammont et qui passe par la même région que nous avant d’y arriver. Je n’ai pas envie d’être bloquée par eux, donc l’idée est aussi de passer Grammont pour ne pas les avoir dans les pieds.
Bon ok, j’avoue que je voyais le mur de Grammont plus facile et moins long ! Je le monte tant bien que mal et là je peste un peu contre le poids du vélo. Je fini les 50 derniers mètres en le poussant. Bon, selfie obligatoire à faire donc, hop, je me cale sous la lumière et voilà. Il est 5h30. Je check What’s App et je vois que j’ai un message de Cubi. Il me dit de continuer à rouler et qu’il me rattrapera.
Ma lampe frontale décide de mourir et là je me demande si je l’avais chargée à fond. Visiblement non. Hop, je la branche sur la batterie externe. Sauf que je ne regarde pas où celle-ci en est. Elle n’a pas aimé le froid de la nuit semble-t-il, car elle peine à charger un peu la lampe avant d’être vide. Bon, j’ai chargé deux fois le GPS, deux fois le smartphone et un peu la lampe. La batterie est censée faire deux fois ça. Je sais que ce genre d’engin est sensible au froid et pourtant je l’ai laissée dans la sacoche de guidon au lieu de la prendre près de mon corps pendant la nuit. Je me dis que je demanderai à Cubi la sienne à prêter une demi-heure pendant qu’on mange. Mais je suis frustrée et je me flagelle mentalement de ne pas avoir prêté attention à ça. Rookie mistake !
Je continue de rouler et au plus j’avance, au plus je me dis que je n’aurais jamais réussi à faire tout ça la veille. D’un coup, je réalise que ça fait déjà 3h que je roule. Il est temps de manger quelque chose ! Je finis les compotines et je prends une barre de céréales. Je suis en haut d’une nationale et je vois le soleil se lever. Encore un beau spectacle ! Je poursuis ma route et je constate que la brume se renforce. Le jour se lève donc ça permet de voir qu’en fait c’est une purée de pois bien épaisse !!! Génial, je dois encore frotter mes lunettes. Et il y a tellement de brume que ça coule sur le casque et que je vois ma veste qui commence à perler.
J’enchaîne les montées mais ça devient périlleux. Il y a de plus en plus de pavés et ça commence à glisser pas mal. La faible visibilité pourrit les descentes, car on ne sait pas bien anticiper donc il faut ralentir. Je suis d’ailleurs bien contente d’avoir jeté un œil au GPS à un moment donné, car le virage à 45° ne pardonne pas si on ne ralentit pas !
Au détour d’un virage, je tombe sur un car-wash/station-service/petit magasin. N-I-C-K-E-L ! J’ai faim ! Et d’un coup, je vois débouler Cubi ! Il me « chasse » depuis plus d’une heure et se demandait quand il allait me rattraper ^^ Nous nous étions quittés au petit-déjeuner du vendredi, nous voilà réunis à celui du samedi ! Je lui demande sa batterie externe à prêter et, sans le savoir, il va sauver ma journée. Je branche le GPS et je vois qu’il clignote un peu rouge puis arrête de charger. Bon c’est un problème avec la batterie externe ? Bizarre, c’est la même marque que la mienne. Les câbles fonctionnaient hier donc ça ne peut pas être ça. Je mets charger ma batterie externe avec celle de Cubi et je me dis que je verrai plus tard. Je mets aussi charger mon téléphone tant qu’à faire. Toute contente de le revoir et d’échanger nos impressions, je ne fais pas plus gaffe que ça au problème. Et tant mieux, car je me serai inquiétée bien plus tôt et je ne suis pas sûre que j’aurai profité de la journée de la même façon. À ce moment-là, je perds aussi de vue la GoPro et ne la charge pas, donc je ne filmerai plus rien sur le trajet.
Après notre pit stop, nous voilà en route pour le Koppenberg. C’est une horreur à monter ! Non seulement les pavés sont glissants à crever à cause de la bruine, mais c’est un pourcentage de côte de malade. Je pousse le vélo pendant que Cubi se hisse en haut tant bien que mal. Nous décidons de continuer à notre rythme et de nous retrouver à Roubaix. La barre des 30h est faisable pour Cubi, pas pour moi. Jack nous envoie un selfie du train pour Bruxelles à 9h30. Il a bien tracé!
Il y a deux traversées de nationales dont je me serais bien passée vu le brouillard, mais je n’ai pas le choix. Heureusement que les automobilistes n’arrivent pas trop vite quand même. Le soleil commence à se lever quand j’entame le Oude Kwaremont. Je le monte pas trop mal au début, puis ça se raidit et je descends de scelle. Evidemment, c’est là qu’est le caméraman du GravelMan ! Pas grave, je lui dis qu’à partir de maintenant, chaque nouveau kilomètre roulé devient mon nouveau record, et ça me rend fière. Après, la montée redevient raisonnable et je finis sur le vélo. Je me fais dépasser par les fous furieux des clubs locaux qui ont l’air de chasser les segments Strava. Et moi, je suis là avec mon vélo pas tout à fait adapté. Je rigole bien dans ma tête quand je les vois me regarder d’un air surpris.
Le début de la fin
Prochaine étape : le Patterberg. C’est bizarre cette montée qui commence par descendre très très fort ! Je loupe quasiment le virage à droite puis voilà la montée ! Elle est brutale ! Très brutale ! Et très pavée ! Inutile de vous dire que je dois pousser le vélo. Je pense que vous aurez compris que là, je veux juste finir et pas frimer. En haut, je tombe sur d’autres participants et, de nouveau, le caméraman. La fille à qui je parle me reconnait des selfies du groupe What’s App (et le vélo I guess :p). Elle me demande si j’ai roulé toute la nuit et on papote un peu. Elle et son groupe sont impressionnés que j’ai dormi dans un abribus. Moi je trouve ça fun :p. Je lui demande sa batterie externe à prêter pour voir si c’est un problème avec les deux que j’ai. Et là, je trouve mon problème : l’embout USB du GPS sort de son logement et reste sur le câble qui sert à le charger. Ah, ça va rien charger du tout là … Bon bah c’est parti pour rouler jusqu’à ce que je n’aie plus de batterie.
J’estime qu’il me reste une heure de charge. Mon estimation n’est pas trop mauvaise. Je suis au bas du mont Saint-Aubert quand le GPS me lâche. Pas grave, je décide d’utiliser le suivi Strava sur la carte reçue de l’organisation. Sauf que mon smartphone n’affiche pas le fond de carte Google. C’est un problème que j’ai dans toutes les apps qui utilisent ça. Bon, que faire ? Mes yeux se posent alors sur la balise de suivi. Et là j’ai un éclair de génie : je n’ai qu’à m’auto-dotwatcher.C’est un suivi qui se met à jour régulièrement, je serai donc capable de me suivre et de trouver mon chemin. Heureusement que le tracé est sur la carte de suivi !
J’entame alors la « fin » du parcours, soit 52 kilomètres. Je dois m’arrêter à chaque carrefour, mais l’avantage de la campagne, c’est que tu peux faire plusieurs kilomètres sur la même route sans devoir bifurquer. Je perds un peu courage après une demi-heure, mais je me dis que ce serait vraiment con de m’arrêter là. Et en plus, il faut ramener la balise. Je pourrais la renvoyer par la poste, mais c’est quand même mieux de la rendre en main propre ! Il me faut un bon dix minutes pour me sortir l’idée d’abandonner de la tête.
Le soleil est maintenant complètement levé et la température monte. C’est agréable. « profites », me dis-je. Mine de rien, je fais assez facilement 9km avant de vérifier le compteur et de voir de combien j’ai avancé. Je me fais encore dépasser par quelques participants et j’en vois quelques-uns qui surgissent de la trace gravel. Les visages commencent à montrer la fatigue. Pour ma part, je suis étonnée de fonctionner aussi bien avec seulement trois heures de sommeil. Le fait que je doive chercher ma route n’y est probablement pas pour rien.
Merci au Grands Chestes Chain Gang pour le fou rire en haut du col de la Croix de Jubaru ! Votre sticker collé sur le panneau du « col » (99m d’altitude) m’a filé un big smile sur le visage. C’était tout à fait inattendu.
D’un coup, je réalise que je n’ai plus rien mangé ou bu depuis … plus de 4h ! Je me sermonne en me disant que ce n’est pas malin du tout. Je m’arrête où je suis et je mange un croissant et je finis le cécémel. Julien, un autre participant arrive. Il fait aussi une petite pause et du coup on papote. Il pensait être proche de l’arrivée, mais quand je lui dis qu’on a encore environ 40km à faire, il est découragé. Oups. Je demande si je peux le suivre un peu et il dit ok. « J’ai mal au genou, je roule plus lentement », qu’il me dit. J’arriverai à le suivre sur un tout petit kilomètre de rien du tout avant de me faire lâcher. Il roule encore à du 25km/h malgré son genou …
De rue principale en rue principale, je traverse de plus en plus de villages. Je ne m’en rends pas compte tout de suite, mais je passe la barre des 300km puis la frontière française. Un ou deux kilomètres avant le secteur Pavé de l’Arbre, un couple me rattrape. Ha, la fille ne roule pas trop vite ! Je les garde à l’œil et ça me permet de ne plus sortir le téléphone pendant quasiment une demi-heure. C’est sympa. Après le Pavé de l’Arbre, il y a le crew média du GravelMan. Enzo nous booste en disant qu’il reste 10-12 kilomètres.
Je commence à voir les panneaux Roubaix et je vous avoue que j’ai juré quand j’ai vu que la trace allait à gauche alors que le panneau disait « Roubaix – 8 km » à droite ! Non Bapti, tu ne coupes pas ! Tu vas jusqu’au bout ! Et je continue ! Coup de pédale après coup de pédale, me voilà en ville. Mon système de navigation est un peu plus galère, car il y a plus d’intersections et de trafic, mais je vois que le vélodrome se rapproche. Je suis dans la dernière allée quand je me fais rattraper par trois gars de la trace gravel. Ils sont aussi contents de me voir que moi de les voir. Et en plus, on avait déjà papoté hier. Du coup, ils me demandent si j’ai bien passé la nuit dehors et comment ça s’est passé. Je crois que je leur en bouche un coin. C’est dans cette euphorie que nous arrivons ensemble sur « la ligne d’arrivée ».
JE L’AI FAIT BORDEL ! Je crois qu’à ce moment-là, je devais sourire comme une grosse débile mais je m’en foutais. Il y a d’autres participants et leurs familles. On discute dans tous les sens puis on se dit qu’il faut retourner à la Maison Bleue rendre le tracker. En sortant du vélodrome, je suis apostrophée. C’est un copain twitto ! On papote quelques minutes puis je me remets en route. Une dernière séance de dot watching plus tard et me voilà rendue à l’hôtel. Cubi est là. On se check les mains et on se félicite. Je me sens suuuper bien ! Mais je dois aller aux toilettes !!! Une fois mon affaire faite, je repasse par le salon et là, les trois gars posés dans le canapé m’interpellent. Ils veulent me féliciter d’avoir fini et puis savoir si j’ai roulé toute la nuit. Je pense que poster la photo du CP « Paddestraat » vers 21h puis celle du Mur de Grammont à 5h30, ça a marqué les esprits ^^ Enzo, vu à l’arrivée, vient même me demander une photo de mon installation dans l’abribus.
Cubi a checké les trains et c’est un peu cut pour avoir le prochain à Mouscron donc on y va à notre aise. Mais je n’ai plus mon GPS pour le trajet, donc Cubi branche Google Maps. Heuuuuuuu, c’est quoi ce trajet de merde ? On va avoir une « piste cyclable » non protégée (aka que de la peinture au sol), le long d’une nationale à 70… J’ai beau avoir mal au genou, je pédale plus vite pour en finir rapidement. Notre train est déjà à quai donc on ne doit pas attendre dans le froid. On a un changement à faire à Tournai. Coup de bol, c’est le train sur le même quai. Comble du luxe : il y a deux compartiments vélos, donc on peut choisir dans lequel mettre nos vélos. Et si vous pensez que mon récit s’arrête là, vous pouvez toujours compter sur la SNCB pour pimenter les trajets ! À l’heure à laquelle le train doit partir, on nous annonce qu’en fait le train va passer de 6 à 3 voitures, donc on voit débarquer tous les gens de l’autre moitié du train « chez nous ». Yay ! Le truc funny, c’est qu’une bande de jeunes en rollers vient s’installer à côté de nous et on papote avec eux suite aux annonces micro qui vont se succéder et finissent par nous annoncer « un retard conséquent ». Quand je mentionne le fait que je suis contente qu’on ait chargé les vélos dans le bon compartiment, ils nous demandent où on a roulé. Ça leur en bouche un coin et j’avoue ressentir une certaine fierté à énoncer ainsi ce que je viens de faire. Nous finissons par quitter Tournai avec vingt-cinq minutes de retard.
À Bruxelles-Nord, on débarque les vélos sans soucis et puis voilà, chacun rentre chez soi en ayant super faim. Je fais un détour par le snack pour avoir un durum et puis je pars en direction de la maison. Je me plonge avec délice dans un bain. J’ai la flemme de tout ranger mais j’étends quand même ma tente car elle est encore humide de la nuit. La fatigue me tombe dessus sur le coup de 22h. Bonne nuit les petits !
Merci pour ton récit, ça donne envie 🙂
Je n’ai pas osé y aller car il fallait traverser une frontière et faire gaffe au couvre-feu… l’année prochaine peut-être !
Nicolas
Bonsoir, joli récit et bravo ! Je suis inscrit pour la trace gravel du Gravelman Flandres de ce mois de février. Petite question pratique : tu parles de matériel, assurance et autres points obligatoires demandés par l’organisation. Quand est-ce que ces obligations sont mentionnées? J’avoue n’avoir rien reçu à ce sujet jusqu’à présent. Merci par avance pour ton retour et bravo encore pour cette course ! Guillaume
Hello, de mémoire, on reçoit les infos le mois qui précède puis il y a un live Insta 2-3 jours avant.
Beau récit et lerci pour le partage.
La trace gravel me tente bien pour 2022. Je l’ai mise à mon agenda ainsi que celle de Paris Sud (à côté confirme).
A +